Warrior : saison 1
Co-créateur de la série BANSHEE, Johnathan Tropper a pris son temps pour son nouveau bébé WARRIOR, sorte de mélange entre la classe nonchalante d’un PEAKY BLINDERS et le côté rentre-dedans/mauvais garçon de ses précédents travaux. Situé à la fin des années 1870 et basé sur les écrits de Bruce Lee (argument marketing plus qu’autre chose selon nous), WARRIOR raconte les aventures de Ah Sahm, combattant hors pair qui immigre à San Francisco pour retrouver sa soeur. Il va alors se retrouver en plein milieu d’une guerre des gangs chinois, la fameuse “guerre des Tongs”.
Tout comme BANSHEE, WARRIOR est l’occasion pour Tropper de parler des différentes factions qui évoluent dans cet univers. Si les Indiens étaient au centre de BANSHEE ce sont cette fois les Chinois qui sont mis en avant ainsi que leur relation avec la société de l’époque. L’Amérique étant en pleine expansion et en période d’immigration le racisme est évidemment très présent. Et ce ne sont pas que les Chinois qui en font les frais : les Sudistes et les personnes de couleurs sont eux aussi victimes d’oppression par les Irlandais fraîchement installés. Tropper n’a pas pour but de disserter et de poser des questions sur ce racisme, il le montre plein cadre, sans tabou, comme quelque chose de normal et qui faisait partie de la société. Quand tout ce monde ne se met pas sur la tronche, c’est une histoire claire aux enjeux clairs qui sert de toile de fond à cet univers. Le principal reproche qu’on pourrait faire est qu’Ah Sahm, personnage charismatique et attachant, semble devenir au fur et à mesure que l’histoire avance de moins en moins important et se voit presque éclipser par les seconds rôles, tous excellents. Que cela soit O’Hara, ordure qu’on finit par apprécier, Leary en némésis irlandais qui résout tout par la violence, Lee en bonne conscience d’O’Hara ou le frère d’armes Young Jun, tous les personnages qui gravitent autour d’Ah Sahm ont quelque chose à apporter et font vite forte impression. Cet aspect était sûrement un peu plus équilibré dans BANSHEE, dans lequel Lucas Hood restait constamment le centre d’intérêt malgré une excellente galerie de personnages secondaires, mais heureusement pour nous la fin de la saison rattrape ce menu défaut en recentrant les enjeux sur Ah Sahm.
Une autre différence avec BANSHEE est probablement d’ordre financier. Tropper a eu un budget plus important pour WARRIOR et ça se voit : la direction artistique est très classe, la photo est admirable que cela soit lors d’ambiances tamisées ou lorsqu’il faut montrer les différents quartiers de San Francisco en plein jour. Il est évidemment difficile de rivaliser avec les productions de HBO, et on sent par intermittence le recyclage de certains intérieurs mais dans l’ensemble WARRIOR est une série très agréable à regarder, surtout que Tropper réussit à rendre le tout peu redondant et rafraichissant régulièrement. L’épisode de milieu de saison, véritable western (auquel la série rend hommage à travers l’excellent score de Reza Safinia et H. Scott Salinas), est à ce titre une bouffé d’air frais.
S’il y a bien une chose qui avait marqué dans BANSHEE c’était les scènes d’action de la série, véritable bonheur pour les yeux qui relevaient parfois de l’inédit. On se souvient encore de cet incroyable combat d’une sacrée violence entre Burton et Nora, ou encore ce casse sur l’autoroute qu’on croirait filmé par un Renny Harlin des grands jours. Qu’on se rassure, WARRIOR ne déçoit pas, au contraire. Ce que les scènes d’action de WARRIOR perdent en originalité (ce sont toutes des combats à mains nues ou à l’arme blanche) elles le gagnent en générosité et en impact. Les affrontements de WARRIOR sont en effet ce qu’on peut trouver de mieux à la télévision depuis un moment, et certaines scènes rivalisent sans mal avec les cadors du moment. Chorégraphiés à la perfection et bien aidés par des acteurs aux capacités martiales indéniables, ces moments font preuve d’un véritable amour pour le genre. Joe Taslim est déjà bien connu des fans de THE RAID et récemment THE NIGHT COMES FOR US mais Andrew Koji est une belle révélation, très à l’aise quand il s’agit de la jouer classe en costume ou quand il faut distribuer les coups de pieds avec une aisance indécente. Pratiquement chaque épisode contient donc son (ou ses) petit morceaux de bravoure qui finit souvent en bain de sang, la série étant souvent généreuse en hémoglobine et autres effets gores. Malgré ses éclats de violence WARRIOR reste cependant plus sage que BANSHEE. Plus sérieux dans son traitement voir même dans d’autres aspects plus bas du front comme la nudité (présente mais vite mise de côté pour quelque chose de plus timoré) WARRIOR est ce qu’on pourrait appeler une série solide, carrée, peut-être même trop parfois.
C’est peut-être là les limites de la série. BANSHEE était parfois inégal mais c’était justement ses sursaut de génie qui lui donnaient toute sa saveur. WARRIOR est très constant : aucun épisode n’est vraiment mauvais et la qualité est à chaque fois au rendez-vous, mais il manque ce petit je-ne-sais-quoi qui rendrait le tout génial. Et malgré les moyens déployés on reste parfois avec un petit gout de “on en veut plus”, comme si on sentait un incroyable potentiel qui ne demandait qu’à exploser. Peut-être dans la deuxième saison, déjà commandée par Cinemax ? L’avenir nous le dira, mais en attendant on ne peut que vous conseiller de vous jeter sur WARRIOR, le genre de série excellente qui tape sec et qui manquait depuis… BANSHEE tiens.