Gangs of London : Saison 1
Cela faisait un moment que Gareth Evans n’avait pas fait parler les poings et la poudre depuis The Raid 2. Il y a bien eu Le Bon apôtre et une courte démo (visible sur Youtube) entre temps, mais cela restait très peu pour les amateurs de baston. C’est finalement via le petit écran que le réalisateur originaire du Pays de Galles revient. Gangs of London est l’adaptation d’un jeu PSP qui fut pitché à Evans il y a plusieurs années. L’idée était d’en faire à la base une franchise de cinéma, mais Evans suggéra qu’il était préférable d’en faire une série afin de passer suffisamment de temps avec les personnages, chose qui lui semblait impossible avec un format différent. Cette ambition lui a pourtant fait du tort par le passé (on se souvient des problématiques 2h30 de The Raid 2), alors qu’en est-il sur ce nouveau medium ?
On avait un peu perdu Evans avec The Raid 2. Si le film était indéniablement impressionnant dès qu’il fallait envoyer du pâté avec ses nombreux morceaux de bravoure, la durée bien trop conséquente et de sérieux problèmes scénaristiques entachaient l’expérience régulièrement. Problème de rythme, de point de vue (le personnage principal qui semble presque disparaitre de l’intrigue pendant une bobine entière et reste très passif) et un sentiment de trop plein pas assez maîtrisé empêchaient le film d’être aussi marquant que le premier opus. Qu’on se le dise : les défauts inhérents à Evans (ici coscénariste avec son directeur de la photographie Matt Flannery) sont toujours présents, mais dilués dans un format qui rend la narration moins problématique. Gangs of London est très similaire à The Raid 2 : l’histoire est sensiblement la même, avec son quota de mafieux, flics infiltrés, trahisons en tout genre et d’histoires familiales, et certains personnages semblent même être recyclés du même scénario. Mais ce qui pouvait poser problème dans The Raid 2 est ici justifié par le medium et arrive même à fonctionner la plupart du temps. Cette envie de faire quelque chose d’ambitieux avec de multiples personnages/points de vue sur lesquels Evans s’attarde choque moins et se fait même naturellement. Rien de bien original là-dedans, mais on peut lui reconnaître une certaine efficacité dans les liens tissés entre les différents protagonistes (tous très bien castés) et une jolie galerie de personnages immédiatement identifiables.
Là où on attendait Gangs of London c’était évidemment au niveau de l’action. Evans l’a prouvé par le passé : il s’y connait, et le réalisateur a toujours su filmer des mano a mano à la perfection avec des idées de mise en scène qui font mouche. Gangs of London ne fait pas exception à la règle et offre ce qu’on a vu de plus impressionnant dans le genre depuis un moment (et surtout à la télévision). À noter que si Evans ne réalise que deux épisodes sur les neuf, il met en scène toutes les scènes d’action de la série même quand il n’est pas crédité en tant que réalisateur. Chaque scène d’action est savamment pensée, chorégraphiée, et le metteur en scène n’a rien perdu de son goût pour une violence qui se fait maintenant rare. On n’est pas près d’oublier cet affrontement très jason-bournien à la hache dans une salle de bain, ou encore cette fusillade massive dans un camping. Le point d’orgue de la série arrive avec un excellent cinquième épisode qui se termine par un très long gunfight, sorte de mélange entre le climax de Skyfall et la violence d’un Syndicat du crime 2 de John Woo. Problème : après ce baroud d’honneur incroyable Evans n’a plus rien à offrir dans ce domaine. L’action disparaît pratiquement, il n’y a plus de grosses scènes qui marquent, et le peu qu’on a est soit très vite expédié soit carrément hors champ, un comble pour une série qui jusque-là avait tout d’une référence.
Cette cassure nette dans le rythme de la série est difficilement compréhensible. Quand dans le dernier épisode Evans introduit un (très) impressionnant homme de main, on rêve d’un mano a mano en guise de bouquet final. Il n’en sera rien, et même si Corin Hardy et Xavier Gens font un travail tout à fait correct derrière la caméra, Gangs of London n’a pas l’exigence et les qualités formelles d’une grande série criminelle (dans le même genre Gomorra fait mieux). Et en mettant de côté ce qui faisait toute la différence, Evans et Flannery se tirent une balle dans le pied et déçoivent forcément. Le final annonce une deuxième saison (pas encore officialisée à l’heure ou votre serviteur écrit ces lignes), mais la méfiance sera de mise. Quand bien même Evans est pétri de qualités dans certains domaines, il est grand temps pour le metteur en scène de revenir à un cinéma plus simple dans lequel il semble bien mieux à l’aise et imaginatif.