Captain Cinéma

Un film de Zack Snyder

Zack Snyder est un réalisateur fascinant. On a beau détester le metteur en scène pour son style et ses choix, il a très vite réussi à construire tout un culte autour de sa personne en peu de films. Un petit exploit qui fait qu’on compare régulièrement Snyder à d’autres réalisateurs clivants à Hollywood. Parmi eux l’inévitable Michael Bay qu’on ne présente plus. Il est donc difficile de nier l’importance qu’a pris Snyder ces dernières années. Même si ces films sont parfois d’énormes déceptions critiques et surtout financières (coucou BvS) la voix des fans purs reste impénétrable et ils tiennent bon face aux torrents de haine lancés vers le réalisateur, allant jusqu’à faire changer Warner d’avis sur le fameux Snyder Cut de Justice League. Pratiquement du jamais vu dans le paysage cinématographique actuel, le cut de Snyder sortant seulement quatre petites années après la première version très mal reçue de Whedon. Avec Army of the Dead le réalisateur revient vers le genre qui l’a propulsé à Hollywood en 2004 : le film de zombies. Près de vingt ans après son Dawn of the Dead (en français L’Armée des Morts, oui on vous voit venir), Snyder compte bien remettre les pendules à l’heure avec un film qu’il annonce « balls to the wall », en gros : sans concessions. Muni d’une petite enveloppe de 90 millions de dollars par Netflix, Snyder a encore une fois les pleins pouvoirs ; il est producteur, coscénariste, directeur de la photographie (une première), et réalisateur, autant dire que les fans du bonhomme ont des étoiles plein les yeux à l’annonce du projet. Mais qu’en est-il au final ?

des soldats

Le pitch d’Army of the Dead est des plus simple : Dave Bautista et son équipe de mercenaires doivent s’infiltrer dans un Las Vegas en quarantaine et infesté de zombies afin de récupérer 20 millions de dollars. Un joli butin, une mission un peu suicidaire, bref on est en terrain connu, et ça donne envie. Ce n’est pas tous les jours qu’un film de zombies de cette ampleur débarque sur nos (petits) écrans après tout. Premier gros problème : Snyder a encore une fois les yeux plus gros que le ventre, et Army of the Dead dure 2h28. Oui, 2h28. Et à aucun moment la durée n’est justifiée. Comme pour son Justice League, Snyder prend son temps, beaucoup trop même. La très longue introduction traîne en longueurs, et malgré le temps imparti aucun des personnages ne semble vraiment exister au-delà de fonctions tout ce qu’il y a de plus basiques. Résultat : un film beaucoup trop long (on a décidemment l’habitude avec Snyder depuis BvS) qui ne raconte pourtant pas grand-chose, avec des scènes qui s'étirent pour rien. Snyder essaye tant bien que mal de nous émouvoir avec une relation père/fille, mais l’exécution maladroite fait qu’on s’en fiche complètement, pareil pour les amies emprisonnées à Vegas qui doivent être secourues, typiquement le genre de side story qui n’apporte rien et qui ne mène en plus à rien. Plus c’est long plus c’est bon ? Malheureusement, le spectateur s’ennuiera sec pendant un bon moment avant que Snyder et ses scénaristes rentrent dans le vif du sujet. Et c’est là que le réalisateur se plante aussi dans les grandes largeurs.

zombies à contre jour

On pouvait avoir confiance en Snyder après son remake plus qu’honorable et très efficace du Zombie de Romero. Après tout c’est un genre qu’il connait bien, avec lequel il devrait être à l’aise non ? C’est tout le contraire qui se produit ici, avec un récit qui ne va parfois nulle part, des personnages inintéressants, et surtout un manque d’action et de fun flagrant vu le pitch de base. Sur ces deux heures et demie on compte trois scènes d’action pas folichonnes, jamais vraiment impressionnantes, dans lesquelles les personnages alignent les headshots sans grande conviction. Le pire, c’est qu’Army of the Dead est très sage niveau gore ; où sont les éviscérations, les têtes arrachées ou qui explosent, les bras qui tombent, les corps qui se déchirent ? Probablement dans le fondement du spectateur, abasourdi par la platitude de l’ensemble. Les rares passages gores sont soient gâchés par des effets spéciaux loin d’être parfaits, ou très brefs, voire carrément hors champ à plusieurs reprises. Honteux vu le genre, surtout que Snyder avait largement rempli le quota de sang et de prothèses en 2004.

las vegas

Il ne reste pas grand-chose à sauver dans ce bordel ambiant mal scénarisé, complètement boursouflé (comme dans Justice League Snyder ne sait pas quand arrêter un film et se sent obliger de rajouter des scènes pour teaser une suite) et très moche. Car aussi détesté soit-il, Snyder est un réalisateur très pictural qui a su imposer son style très rapidement, qui sait composer des images marquantes à chaque film. Écopant de la casquette de directeur de la photographie pour la première fois, le metteur en scène livre un film loin de ses standards habituels, sans scène marquante, sans plans qui flattent la rétine, constamment plongé dans un flou numérique incompréhensible qui au final ressemble à n’importe quelle production Netflix en encore plus moche. C’est bien beau de dire que cette profondeur de champ particulière est là pour renforcer le sentiment de claustrophobie Zack, mais pourquoi l’utiliser tout le temps pour tout et n’importe quoi ? L’évidence semble être devant nous : Zack Snyder est devenu trop gros pour lui-même et fait désormais ce qu’il veut. Un cap a été franchi avec Justice League et Army of the Dead, et autant le premier était indéniablement un meilleur film que la version de 2017 malgré des soucis inquiétants, autant le deuxième montre que le réalisateur a définitivement franchi un cap en termes de libertés artistique. Le rêve de tout réalisateur après tout. Mais l’orientation des scories du metteur en scène inquiète plus qu’elle ne promet, et on se dit que revenir à une production plus encadrée ne nous ferait pas de mal à nous spectateurs. Plus que jamais Snyder est devenu un auteur de cinéma, pour le meilleur comme pour le pire.