Captain Cinéma

Falcon et le Soldat de l'Hiver : saison 1

Ndlr: ce texte contient de légers spoilers sur la saison

Alors que WandaVision vient tout juste de se terminer voilà que débarque Falcon et le Soldat de l’Hiver, la seconde série à gros budget de Marvel sur Disney+. Comme le titre l’indique la série nous narre les aventures de Sam Wilson et James Bucky Barnes quelques mois après les événements d’Avengers : Endgame. Alors que nos deux héros vaquent à leurs occupations et tentent de vivre leur nouvelle vie plus ou moins paisiblement pour tourner la page, une nouvelle menace fait surface et rassemblent nos deux héros. Sur le papier, on est tout de suite sur un registre plus classique que Wandavision, mais la série de Malcolm Spellman (showrunner et scénariste principal) a plus d’un tour dans son sac pour éveiller l’intérêt.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Falcon et le Soldat de l’Hiver démarre sur des chapeaux de roues. Quelques secondes après le logo Marvel c’est un véritable morceau de bravoure qui n’a rien à envier au cinéma qui s’offre à nous. Bien aidé par l’équipe des effets spéciaux, Kari Skogland met en scène une introduction impressionnante qui en met plein les yeux. Quelques minutes plus tard c’est une nouvelle scène d’action brutale qui vient nous rappeler qu’on est pas venu pour revoir de la sitcom en 4/3. Ce premier épisode pose les bases de l’histoire de façon efficace, même si on aurait pas refusé quelques coupes ici et là concernant Sam et sa sœur. Sam est fidèle à lui-même et est un grand humaniste toujours prêt à aider les autres, alors que Bucky tente tant bien que mal de se pardonner les horreurs qu’il a commises par le passé en jouant le bon samaritain. On voit très vite que ces deux protagonistes sont parfaits pour le côté buddy movie vanté par la campagne promotionnelle, étant donné que les deux font la même chose mais pour des raisons différentes et de façon différente. Si James semble crouler sous le poids de la culpabilité, Sam semble avoir du mal à trouver le courage nécessaire pour prendre la relève de Steve Rogers après Endgame. C’est le poids de l’héritage qui semble peser lourd sur les épaules de Sam Wilson dès les premières minutes, et c’est un aspect qui sera prépondérant pendant toute cette saison ; L’importance des symboles, devenir une icône, qu’est-ce que cela implique ? Est-ce que tout le monde peut devenir Captain America ? La réponse a déjà été donné dans le premier film de Joe Johnston en 2011, lorsque le personnage de Stanley Tucci disait à Steve que l’important n’était pas d’être « un bon soldat » mais « un homme bien ».

Au premier abord Sam Wilson coche toutes les cases du nouveau super-héros au bouclier étoilé. Et pourtant, il laisse rapidement le fameux bouclier au gouvernement, persuadé qu’il ne le mérite pas. Le passé est le passé, et le monde a besoin de nouveaux héros adaptés à ce nouveau monde. Cette réplique à priori anodine prendra tout son sens dans la suite de la saison lorsque Spellman décidera d’attaquer des sujets de société qui font directement écho à l’actualité. Et c’est probablement là que vient un des problèmes de Falcon et le Soldat de l’Hiver. Que ce genre de sujet soit traité dans un produit de pur divertissement made in Marvel n’est pas un problème en soi, mais c’est surtout le traitement qui fait que ces questionnements ne fonctionnent pas complètement. À vouloir nous expliquer qu’ « être un super-héros noir c’est pas facile », pourquoi pas après tout, Marvel ayant depuis un moment maintenant bataillé pour représenter les minorités de notre société avec plus ou moins de succès, mais le scénariste semble parfois en rajouter sur ce point précis de façon assez grossière. On évoque les violences policières le temps d’une courte scène, on nous rabâche plusieurs fois qu’être noir et avoir des supers pouvoirs c’est pas facile, alors que concrètement on n’a jamais vu ça dans la série et même dans l’univers Marvel jusqu’à présent. Au contraire : Sam Wilson a par le passé été entouré d’autres super-héros noirs (qui ne représentaient pas l’Amérique à un niveau aussi symbolique il est vrai), il est aimé de tout le monde, que ça soit les petits du quartier, les banquiers qui sautent au plafond et se ruent sur leur téléphone pour prendre des selfies, ou encore l’inconnu à l’autre bout du monde qui vient le remercier pour ce qu’il a fait par le passé. Et l’événement majeur qui aurait pu nous faire comprendre ce fameux questionnement (à savoir la rencontre avec Isaha, ex super-héros noir qui a passé trente années en prison pour des raisons obscures, si ce n’est qu’il est noir) arrive après que Wilson ai renoncé au statut de nouveau Captain America et rendu le bouclier.

C’est donc une espèce de démagogie maladroite et franchement pas nécessaire qui s’installe à plusieurs moments, alors que le simple fait de traiter des icônes et de l’importance de la succession suffisait largement pour faire croire aux doutes de Sam Wilson. C’est de plus une thématique qui fonctionne à merveille étant donné qu’elle transparait par le biais des autres personnages, à commencer par celui de John Walker, incarné par un excellent Wyatt Russel. Déclaré nouveau Captain America par le gouvernement, Walker apparait vite comme un personnage ambigu, tiraillé entre son désir de bien faire et de ne pas décevoir les attentes colossales le concernant, et sa soif de pouvoir qui se heurtera vite à un immense mur de frustrations. Être Captain America se mérite, et le fait de le voir vite jouer avec son statut de nouvelle icône donne un indice sur sa non-capacité à endosser les bottes de Steve Rogers. Dans le premier film de 2011 Steve Rogers prononce le nom du super-héros pour la première fois de façon maladroite, pas sûr de lui, presque comme s’il avait honte de se placer au-dessus des autres. Steve Rogers était un vrai héros, qui faisait constamment passer l’intérêt collectif avant le sien, tout le contraire par exemple d’un Tony Stark. Stark a appris à ne plus être égoïste quitte à se sacrifier pour le bien de l’humanité, alors que Steve a finalement trouvé cette petite part d’égoïsme en lui pour finalement profiter de la vie. Walker ne semble appartenir à aucun de ses deux profils et n’accepte pas le fait d’être humble et d’être battu à plate couture. On est bien loin du fameux « I can do this all day » d’un Rogers courageux qui se relève après s’être pris une branlée par un plus grand que soit. Rogers a pris le sérum pour être capable d’aider les autres, Walker pour ne pas être plus faible que les autres. Deux poids, deux mesures pour Walker donc, qui n’a pas réussi à comprendre ce que ça représentait qu’être Captain America. Vient ensuite la question d’une Amérique qui crée ses propres monstres en poussant Walker à être Captain America, tout comme le fait que Walker a du faire le sale boulot des politiques bien assis derrière leur bureau.

Ces questionnements sont passionnants, et l’ombre de Steve Rogers plane sur toute la saison sans qu’on le voie. Que Sam et Bucky soient alors réunis est évidemment une évidence, et les deux compères parleront à plusieurs reprises de la nécessité de ne pas renier leur passé, quand ils ne se lancent pas des vannes pour remplir le quota de blagues promises par la bande-annonce. Mais contrairement à ce que la campagne promotionnelle essayait de nous vendre, Falcon et le Soldat de l’Hiver est une série finalement très sérieuse et premier degré, et le côté buddy movie est finalement peu présent. Un mal pour un bien, les blagues et autres quiproquos étant souvent peu drôles et pas très bien amenés. Reste que l’alchimie entre Sebastian Stan et Anthony Mackie fonctionne parfaitement du début à la fin, et que les deux héros ont toujours la classe en action, même si cette partie reste malheureusement à relativiser. Car passé un premier épisode solide quand il s’agit de montrer nos deux avengers en plein combat, le reste de Falcon et le Soldat de l’Hiver sera assez décevant de ce côté-là. L’ambition est là, la générosité aussi, mais la série se heurte vite aux limites de la mise en scène de Kari Skogland. La réalisatrice est surtout connue pour son travail sur The Walking Dead, et elle n’arrivera jamais vraiment à mettre en valeur les nombreux mano a mano et autres set pieces. Dans son visuel Falcon et le Soldat de l’Hiver fait très télé malgré son format scope et sa belle photo, avec un découpage classique et sans grande inspiration, des scènes assez surdécoupées (sans êtres illisibles) et un filmage qui oscille entre le juste sympa et le pas terrible. Le combat sur les deux camions a tout du morceau de bravoure jouissif sur le papier, mais à l’écran c’est une succession de plans moyens sans impact et une exécution maladroite qui tire le tout vers le bas. Une occasion manquée donc, d’autant plus dommage que la série a un impressionnant budget qui permet de changer constamment de décor, de filmer en extérieur régulièrement ou de nous montrer de nouveaux pans de l’univers jusqu’ici inconnus. On a vu plus de Madripoor en cinq minute que de la capitale de Wakanda et sa pauvre rue dans Black Panther en deux heures.

Ces défauts sont heureusement contrebalancés par de vraies qualités narratives et un rythme plus soutenu et moins haché que d’autres séries de Disney+. On pense évidemment à Wandavision, mais aussi au Mandalorian. Contrairement à ces deux séries, Falcon et le Soldat de l’Hiver ne s’éparpille pas trop, ne met pas trois épisodes à démarrer, ou ne part pas dans des quêtes parallèles qui n’ont rien à voir avec l’histoire principale. La série évite également tout manichéisme, avec des flagh smashers qui font office de robins des bois des temps modernes et qui suivent le schéma classique des personnages qui veulent bien faire mais qui finissent par tomber dans l’extrémisme. Rien qui relève du jamais vu, mais une orientation rafraichissante (surtout après Wandavision) et finement exécutée, avec des antagonistes plus ambigus qu’ils n’y paraissent. Ni antagoniste, ni complètement gentil, Zemo représente une des réussites de cet aspect. On aurait pu croire que les scénaristes retourneraient complètement leur chemise et lui donne une légitimé, mais il n’en est rien : les motivations du baron ont beau être claires dès le début, il restera ce personnage assez énigmatique et manipulateur jusqu’à la fin malgré son entrée dans l’équipe à la mi-saison. Il ne faudra en revanche pas s’attendre à des merveilles concernant son apparences masquée, la seule scène dans laquelle il enfile la fameuse cagoule tombant un peu comme un cheveu dans la soupe et apparaît plus comme un coup de coude obligatoire aux fans intransigeants du personnage qu’autre chose.

Si Falcon et le Soldat de l’Hiver fait parfois le grand écart entre ses ambitions et son exécution, la série n’en reste pas moins par moment passionnante et représente une jolie opportunité de développer des personnages jusqu’ici relégués au second plan afin de préparer la prochaine grosse phase de chez Marvel. Et contrairement à la première tentative de Marvel chez Disney+, Falcon et le Soldat de l’Hiver ne se loupe pas et redonne espoir quant à l’avenir de Marvel à la télévision. Rendez-vous maintenant en juin pour savoir si Loki mettra la barre encore plus haut.