Captain Cinéma

Un film de Joe Lynch

Déjà suivi d’un remake coréen en 2014, À BOUT PORTANT de Fred Cavayé est cette fois adapté aux USA, une nouvelle peu surprenante quand on connaît l’habitude d’Hollywood à recycler les films qui tapent dans l’œil de l’oncle Sam. Annoncé depuis plusieurs années, POINT BLANK sort enfin dans votre salon, et plus précisément sur Netflix. Pour prendre la relève de Cavayé, Lellouche et Zem c’est respectivement Joe Lynch (MAYHEM, EVERLY), Anthony Mackie et Frank Grillo qui s’y collent pour un résultat qu’on espérait à la hauteur. Et malheureusement, POINT BLANK est un nouvel exemple de l’incapacité d’Hollywood à proposer de nos jours des remakes de qualité.

Scott Adkins tenant en joue ses adversaires dans un pub

Autant être clair dès le début : si vous avez vu le film de Cavayé, POINT BLANK ne représente que peu d’intérêt d’un point de vue scénaristique. En effet, le script d’Adam G. Simon suit de très très près le film français dans ses enjeux, ses twists et son déroulement. La différence se trouve plutôt du côté du traitement de certains personnages, des péripéties sur certains passages, et notamment les scènes d’action. Plus de poursuite dans le métro de Paris mais un court combat dans un car-wash, une ou deux poursuites en voitures dans les rues de L.A. et un troisième acte un poil différent. Et c’est bien là que le bât blesse. Tout comme pour le remake de NUIT BLANCHE, presque tous les changements de POINT BLANK étaient des pièges qu’il fallait à tout prix éviter. Si le film de Cavayé était un thriller tendu qui ne laissait jamais le spectateur respirer, celui de Lynch joue la carte du fun décomplexé dans un ensemble pourtant très sérieux. En résulte un film qui semble parfois ne pas savoir sur quel pied danser. Un plan en particulier représente bien ce problème. Alors que le personnage d’Anthony Mackie vient d’apprendre que sa femme est retenue en otage, la caméra opère un long travelling circulaire autour d’un sac qu’il s’empresse de remplir. Le mouvement, représentatif de la tension et de l’état d’esprit du personnage, est accompagné… de The Message de Grandmaster Flash ! Et à chaque fois qu’une scène d’action un tant soit peu sérieuse commencera Joe Lynch enclenchera sa playlist 80’s sans raison apparente, si ce n’est que ça rend “cool” ce qui se passe à l’écran. Un choix très discutable voir incompréhensible tant il rend nombre de scènes caduques. Même chose pour la caractérisation des personnages. Dans le Cavayé le personnage de Zem n’était jamais vraiment sympathique et restait taciturne et froid tout du long, là ils deviennent meilleurs potes et s’envoient littéralement des messages à la fin (c’est mignon). Du coup, POINT BLANK n’est jamais vraiment cool (tout cet aspect fait très forcé) et jamais vraiment trépidant.

Scott Adkins

On pourrait se raccrocher à un casting solide, à commencer par Anthony Mackie et Frank Grillo, tous les deux excellents dans des rôles qu’ils maîtrisent à la perfection. Malheureusement, ils doivent aussi faire avec une écriture très maladroite, Joe Lynch et son scénariste préférant disserter sur des aspects accessoires et des nouveaux personnages inutiles, quand ils ne sabotent pas la caractérisation de certains (Frank Grillo qui lance un “je vais tous les tuer, un par un” juste pour placer une punchline étant donné qu’il ne fera rien de tout ça par la suite, tu parles d’une vengeance à la MAN ON FIRE). Passé le deuxième acte, le film sombrera dans les abysses de la nullité, Lynch n’ayant plus rien d’intéressant à raconter et introduisant un personnage insipide et ridicule (le chef de gang, personnage pratiquement absent du Cavayé) pour rallonger une intrigue qui n’en avait pas besoin. Encore pire : le climax final est d’une pauvreté affligeante, un enchaînement de non-péripéties d’une cheapitude embarrassante (rarement vu un commissariat aussi vide à cause d’une voiture en feu) qui se conclu de manière extrêmement décevante. Pourquoi ne pas garder la fin originale, avec un Frank Grillo qui se vengerait vraiment au lieu de ce sempiternel suicide décevant ? Et que dire de cet épilogue ridicule, pas crédible pour un sou dans lequel la famille décide de nommer le bébé après le défunt frère du personnage de Grillo…

Scott Adkins et deux policiers

Difficile donc de retenir quoi que ce soit de POINT BLANK, nouvelle preuve que les Américains ont vraiment du mal à faire du neuf avec du vieux. À BOUT PORTANT était un petit thriller d’action solide, loin d’être parfait mais très efficace et qui pouvait servir de bonne base pour une petite bombe. En l’état, POINT BLANK n’est qu’une mauvaise production Netflix de plus, un mauvais film d’action, un mauvais buddy movie, un mauvais thriller et un mauvais remake. Autant dire que vous feriez mieux de rester dans notre verte contrée si vous avez à choisir entre les deux versions.